Dans les deux précédents articles, j’ai commencé à vous présenter les travaux de Jim Hopper afin de comprendre comment fonctionne le cerveau sous stress. Voici ici le dernier épisode qui va nous apporter les ultimes clés de compréhensions des comportements inefficaces lors d’agression.
Les réflexes et les habitudes sont enracinés dans le cerveau et représentent les réponses naturelles et immédiates.
Jim Hopper nous apprend que le concept de « combattre ou fuir » a été mal interprété au fil du temps
Les Réflexes et Habitudes : Comportements Dominants en Situation de Stress
L’évolution a façonné notre cerveau de manière à ce que les réflexes et les habitudes soient les comportements les plus courants lorsque les individus sont agressés.
Ces réactions sont dictées par la manière dont le cerveau détecte les attaques ou réagit au stress intense.
Explication des mécanismes des Circuits de Défense du Cerveau
Lorsque le cerveau perçoit une menace, que le stress devient soudainement important, les circuits de défense prennent le contrôle.
Ces circuits orientent alors les comportements vers les réflexes et les habitudes pour assurer une réponse rapide.
Les circuits de défense peuvent avoir trois actions principales :
- Mettre en œuvre des réflexes : Par l’intermédiaire du tronc cérébral, ces réflexes sont immédiats.
- Déclencher des habitudes
- Inhiber le cortex préfrontal : toute réflexion rationnelle est empêchée
Pourquoi le Terme « Réflexes et Habitudes » est Plus Pertinent ?
L’expression « réflexes et habitudes » décrit avec précision la façon dont le stress et les traumatismes modifient le fonctionnement du cerveau.
Contrairement au terme populaire « combattre ou fuir », « réflexes et habitudes » reflète la réalité neurologique des victimes d’agression, notamment en contexte d’agression sexuelle.
Lorsqu’une personne est victime d’une agression, surtout dans un contexte social (par exemple avec une connaissance), le cerveau privilégie souvent des comportements passifs et inefficaces. Ces réponses sont rarement des choix conscients de combat ou de fuite, mais plutôt des réflexes ou habitudes enracinées.
La Confusion Autour de l’Origine du Terme « Combattre ou Fuir »
Le terme « combattre ou fuir » est souvent attribué à Walter Cannon, un physiologiste de Harvard du début du 20e siècle. Cependant, cette attribution est probablement erronée.
Une Mauvaise Interprétation du Concept
Cannon a exploré la manière dont le corps se prépare physiologiquement à répondre à des situations dangereuses, mais il n’a jamais étudié le comportement en tant que tel. Ses travaux portaient sur la préparation du corps à adopter des comportements potentiels face au danger, mais pas sur le combat ou la fuite en tant que réponses comportementales spécifiques.
La fuite et le réflexe ancré
Beaucoup de victimes réagissent en suivant des réflexes de survie, sans forcément se battre ou fuir physiquement.
Il existe des circuits cérébraux responsables des comportements de défense, et ces comportements incluent souvent une forme de passivité qui, dans certains contextes, peut être interprétée comme une tentative de « fuite » psychologique, plutôt que physique.
La protection lors d’une attaque peut consister à minimiser les risques en restant immobile ou en adoptant des attitudes passives, des réactions qui semblent des formes de fuite indirecte, visant à éviter une escalade de la situation.
Dans le cas de certaines victimes d’agressions, la fuite se manifeste souvent par des réponses sociales polies, des efforts pour apaiser l’agresseur, ou même un évitement mental de la situation. Ces comportements automatiques reflètent des stratégies d’adaptation qui ont pu se développer lors d’expériences antérieures, notamment des abus ou des relations dominantes.
Comprendre que la fuite est aussi réaction psychologique permet de mieux comprendre et accompagner les victimes.
Comprendre la persistance des comportements inefficaces face au danger
Il est légitime de se demander pourquoi une personne persiste à adopter des comportements inefficaces lorsqu’elle est confrontée à une situation d’agression.
Après tout, lorsque l’on se rend compte qu’une action ne fonctionne pas, il semble logique d’en changer. Cependant, plusieurs mécanismes psychologiques et neurologiques expliquent cette persévérance apparente.
La persistance de ces comportements trouve son origine dans les circuits de défense du cerveau qui empêchent l’individu de réagir de manière rationnelle. Le cortex préfrontal, qui régule nos décisions conscientes et notre capacité à inhiber les comportements inefficaces, peut être altéré par le stress intense d’une agression.
La persévération
Le terme clinique utilisé pour décrire le phénomène précité est persévération. Cette condition résulte de l‘échec de trois fonctions essentielles du cortex préfrontal :
- l’évaluation en temps réel de l’efficacité d’un comportement,
- l’inhibition des réponses inefficaces,
- le passage à des stratégies alternatives.
Il ne s’agit pas de faiblesse ou de stupidité, mais bien d’une incapacité temporaire du cerveau à trouver une alternative.
Les états de paralysie induits par la peur : L’immobilité tonique et l’immobilité effondrée
Un des réflexes de survie extrêmes est l’immobilité tonique, un état dans lequel une personne est littéralement paralysée, incapable de bouger ou de parler, même si elle reste pleinement consciente de ce qui se passe autour d’elle.
Ce phénomène, bien documenté chez les animaux, est également observé chez les humains. Il résulte d’une peur intense et de la perception d’une menace inéluctable.
L’immobilité tonique
L’immobilité tonique est une réaction souvent déroutante, car la victime peut être totalement consciente, mais incapable de bouger. Cet état la rend particulièrement vulnérable.
L’immobilité effondrée
En parallèle, l’immobilité effondrée se produit lorsque les circuits de défense provoquent une chute du rythme cardiaque et de la pression artérielle, privant le cerveau d’oxygène. Cela peut entraîner des évanouissements, une extrême faiblesse musculaire et une incapacité à bouger.
Contrairement à l’immobilité tonique, les victimes d’immobilité effondrée sortent lentement de cet état. Cela peut créer des trous de mémoire.
Ces réflexes, bien que protecteurs dans le cadre de la survie face à des prédateurs, sont inadaptés aux agressions sexuelles.
Ils laissent la victime vulnérable et peuvent amener honte ou de culpabilité lorsque la personne tente de comprendre ses réactions.
Comprendre ces réponses automatiques permet d’offrir aux victimes un soutien adéquat d’éviter de juger des comportements qui sont, en réalité, des réflexes biologiques complexes inscrits dans nos circuits de survie ancestraux.
Les victimes d’agression ont en effet besoin d’accompagnement juste, évolutif et adapté.
12 réponses à “Clés de compréhension des comportements inefficaces après une agression”
-
Article éclairant et utile pour comprendre ce qui se passe dans notre tête et notre corps ! Merci.
-
Merci a toi Naomie
-
-
Merci pour cet article très éclairant sur les comportements après une agression. Comprendre que les réflexes et habitudes prennent le dessus, et que le cerveau inhibe la réflexion rationnelle sous stress intense, permet de mieux saisir pourquoi certaines réactions semblent inefficaces. Cela aide vraiment à aborder ce sujet avec plus de compassion et à mieux accompagner.
-
Ces comportements sont en effets irrationnels. Merci pour ce retour
-
-
Merci pour cet article sur une situation pas simple à gérer. Il y a plusieurs degrés de compréhension à gérer.
Il va me permettre de mieux comprendre et donc aider les victimes d’agression.-
je serai ravie d’avoir ton retour si tu as cas concrets. Merci Vincent
-
-
La distinction entre ‘réflexes et habitudes’ plutôt que ‘combat ou fuite’ est vraiment intéressante. Comprendre cela permet d’accompagner les victimes de manière plus juste. Merci pour ce partage précieux.
-
C etait un plaisir de partager ces travaux. Merci à toi
-
-
J’ai trouvé ça hyper clair et ça m’a permis de mieux comprendre à quel point il est important de ne pas juger une personne sans connaître tout ce qu’elle traverse intérieurement. Ça m’a fait réaliser que tout n’est pas aussi simple qu’on pourrait le croire 🙂
-
Effectivement, cet espace de recul par rapport à nos propres jugement peut être bien utile !
-
-
bravo pour cet article très éclairant !
-
Merci Ophélie
-
En savoir plus sur Vérité Intérieure, libération émotionnelle et autonomie
Subscribe to get the latest posts sent to your email.
Laisser un commentaire